Luis Castro, confidences à Tribut

Luis Castro, confidences à Tribut

Publié le 3 septembre 2024
Trois journées de championnat de Ligue 2 BKT se sont déjà écoulées. Luis Castro se confie sur sa vie professionnelle, personnelle et son changement de vie en arrivant à Dunkerque.
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Alors, coach, qu’est ce qui vous a inspiré à devenir entraîneur et comment avez vous commencé votre carrière dans ce domaine ? 

« J’ai toujours eu une passion profonde pour le football, depuis mon plus jeune âge. Je passais des heures à regarder des matchs, entouré de mes amis proches, tous eux-mêmes joueurs. Mon parcours pour devenir entraîneur a commencé de manière un peu différente : je voulais initialement être professeur d’EPS. À l’université, je me suis plongé dans deux matières qui m’ont captivé : le football et la planification des entraînements. C’est à ce moment-là que j’ai réalisé que le football pouvait être plus qu’un simple hobby, et que je voulais en faire mon métier. J’ai commencé ma carrière avec les U6/U7 dans le club de ma ville natale au Portugal. Mon travail a été rapidement remarqué, et on m’a confié les U12. Cette expérience m’a poussé à changer de club pour prendre en charge une équipe de U19. C’était un grand défi : à 25 ans, je me retrouvais à entraîner des joueurs de 19 ans. Ensemble, nous avons réalisé la meilleure saison de l’histoire du club, accédant au National. Ce succès a attiré l’attention d’autres clubs, et j’ai eu l’opportunité de travailler en Arabie Saoudite. C’est à ce moment-là que mon rêve est devenu réalité : pour la première fois, être entraîneur était devenu mon métier.»

Avez-vous des proches qui étaient dans le foot ? 

« Il y a beaucoup de personnes dans ma famille qui pratiquent le sport, mais pas à un niveau professionnel. Enfant, j’ai touché à plusieurs disciplines : natation, handball, futsal, karaté… C’est d’autant plus significatif pour moi, car je suis le seul à avoir fait carrière dans le sport professionnel. Mon père, qui était la personne la plus importante dans ma vie, nous a quittés. J’aurais aimé qu’il puisse voir ce que j’ai accompli. Il me répétait souvent d’arrêter de ne vivre que pour le football, car je pensais, mangeais, dormais football. Il voulait que je me concentre sur mes études pour m’assurer un avenir. Aujourd’hui, je travaille dans le monde professionnel du football, et c’est un accomplissement dont je suis fier.»

Quels ont été les moments les plus marquant de votre parcours d’entraîneur jusqu’à présent ?

« Il y en a beaucoup. Remporter la Youth League avec Benfica a été un grand moment, surtout après une première finale perdue. C’est un moment important de ma carrière. Ensuite, il y a le maintien avec Dunkerque, qui a été une immense satisfaction, bien que nous n’ayons pas pu fêter cela avec nos supporters. Après le match contre QRM, nous aurions pu célébrer, mais nous avons dû patienter. Même après la rencontre à domicile contre Caen, la fête a été repoussée. Ce n’est qu’après le match contre Angers que nous avons enfin pu relâcher la pression. Cependant, ce n’était plus la même émotion. Au lieu de monter en intensité d’un coup, les sentiments ont fluctué, rendant l’expérience en dents de scie. Nous avons pourtant accompli un travail immense, probablement le meilleur, ce qui a rendu la situation d’autant plus frustrante pour moi. Ensuite, avec Benfica, nous avons joué l’intercontinentale en Uruguay, où l’atmosphère était électrique, presque hostile. C’est une ambiance que j’apprécie. Nous avons dû nous adapter dans ce stade historique, et au final, cette adaptation nous a permis de décrocher une victoire précieuse.. »

Quels sont les entraîneurs qui ont le plus influencé votre philosophie du football  ? 

« Au début, c’était José Mourinho qui m’a inspiré. J’apprécie également des entraîneurs comme Pep Guardiola pour son intelligence de jeu, Jürgen Klopp pour l’intensité qu’il insuffle à ses équipes, et Paulo Fonseca pour sa philosophie de jeu très intéressante» 

Comment vous vous définissez comme entraîneur ? 

« Je suis quelqu’un de profondément engagé dans mon travail, jour et nuit. Même si je sais que je devrais parfois décrocher, je n’y parviens pas. Mon amour pour le football, en particulier pour le jeu offensif, me pousse à travailler sans relâche. Mon objectif est de créer un jeu où les joueurs prennent du plaisir sur le terrain, et où les supporters se régalent. Je reconnais que je pourrais être plus proche de mes joueurs. Il y a quelques années, cette proximité était naturelle pour moi, mais des événements personnels ont modifié ma façon de me connecter aux autres. C’est un aspect que je veux développer à nouveau, car je sais à quel point cela peut être important pour la croissance de l’équipe. Mon objectif principal est de faire en sorte que mes joueurs se développent et atteignent un niveau supérieur. J’ai eu la chance de voir des joueurs comme Bram Lagae et Mohamed Koné évoluer maintenant en Première Division belge, ou encore Jean-Philippe Gbamin en Ligue 1 à Nantes. Je suis un entraîneur qui se consacre au développement des joueurs, et voir leur progression est l’une des plus grandes satisfactions de mon métier. »

Quelles sont les plus grandes leçons que vous avez apprises au cours de votre carrière ? 

« Dans le football, tout peut basculer en un instant. Un jour, tu es au sommet, le meilleur du monde, et le lendemain, tout peut s’effondrer. C’est pourquoi il est essentiel de rester stable dans ses émotions, de ne pas se laisser emporter par les hauts et les bas. Mon père m’a inculqué une leçon précieuse : l’importance d’être droit et honnête. Il me disait toujours que faire des erreurs est humain, mais qu’il ne faut jamais mentir. Il faut toujours assumer ses erreurs. J’ai fait de cette valeur un principe dans ma vie professionnelle. Être honnête et droit m’a parfois coûté, mais au final, cela m’a apporté bien plus. Ces principes m’ont permis de construire une carrière solide, basée sur la confiance et le respect. »

Quels sont vos objectifs à long terme ? 

« Je ne me fixe plus d’objectifs à long terme. J’ai réalisé que, peu importe combien je planifie, les choses ne se déroulent jamais exactement comme prévu. Plutôt que de me concentrer sur des projections lointaines, je préfère donner le meilleur de moi-même chaque jour, et laisser les événements suivre leur cours. Ce qui m’importe le plus, c’est le présent, et ici à Dunkerque, je me sens vraiment à ma place. J’aime profondément mon travail, et même si l’opportunité de gagner davantage ailleurs se présentait, cela ne m’intéresserait pas. Ce qui compte pour moi, c’est le projet ici, les gens avec qui je travaille, et l’atmosphère du club. Il y a une intelligence collective, une compréhension de ma vision du jeu qui va au-delà des simples victoires ou défaites. Bien sûr, les débuts ont été un peu difficiles, mais aujourd’hui, je me sens parfaitement à l’aise. J’ai noué une connexion forte avec le staff, et c’est cette synergie qui rend ce travail si spécial pour moi.»

Quelle différence avez vous constaté par exemple le Portugal et ici en France ? 

« En France, il y a beaucoup plus d’argent. Mais au Portugal, ils sont plus organisés, les choses sont plus cadrées. Au Portugal, la VAR existe déjà depuis quelques années en Ligue 2, alors qu’il y a moins d’argent. Les matchs sont planifiés bien en avance, ce qui permet de bien travailler. En France, en Ligue 1, ils se déplacent à 20 joueurs, alors qu’en Ligue 2, c’est 18 joueurs. Si la France était mieux organisée, elle serait alors le meilleur pays du monde en therme de football. 

Quel joueur aimeriez vous entrainer ? 

« Il y a de nombreux joueurs que j’aimerais avoir la chance d’entraîner. Si je devais en choisir un, peut-être que ce serait Tiago Silva. Pour moi, c’est le joueur le plus intelligent du monde. Au cours de ma carrière, j’ai eu la chance de travailler avec des talents exceptionnels. Par exemple, Joao Neves au PSG, qui arrive et réalise deux matchs avec quatre passes décisives. Il y a aussi Antonio Silva, actuellement au Benfica, ou encore Gonçalo Ramos et Cher Ndour. Ce qui est important pour moi, c’est que j’ai su garder des liens avec les joueurs que j’ai entraînés. Même après qu’ils aient évolué vers d’autres horizons, nous restons en contact. Par exemple, cette semaine encore, j’ai échangé avec plusieurs d’entre eux. Ces relations durables sont un aspect du métier que j’apprécie tout particulièrement.. 

Quelle a été la plus grande difficulté pour vous que vous ayez vécu pendant votre carrière d’entraîneur ?

« Je n’ai pas perçu cela comme une difficulté, mais il est vrai que j’ai commencé de zéro dans le monde du football. Je n’avais pas de carrière de joueur professionnel derrière moi, et je ne connaissais personne dans le milieu lorsque j’ai débuté. J’ai dû gravir les échelons par moi-même. Pourtant, je ne peux pas dire que j’ai rencontré beaucoup de difficultés, car je préfère me concentrer sur ce qui fonctionne bien et garder une attitude positive. Je suis conscient que lorsque les choses tournent mal, c’est souvent l’entraîneur qui est pointé du doigt. Mais dans ces moments-là, je me concentre sur le prochain match. Le football regorge de belles histoires, où tout devient possible. C’est essentiel de croire en son travail et de rester déterminé.»

Que faites vous en dehors du football pour vous détendre ? 

« C’est un vrai défi pour moi. Même une fois que je quitte le stade, je continue à regarder du football. En dehors de cela, j’aime beaucoup lire, regarder un bon film, et quand l’occasion se présente—ce qui est de plus en plus rare à cause de la distance—passer du temps avec ma famille.» 

Quel est votre livre préféré ? 

« C’est un livre sur la psychologie intitulé Blink : The Power of Thinking Without Thinking. L’aspect psychologique joue un rôle essentiel dans ma vision des choses. » 

Un film ?

«  Je recommande vivement Instinct, un film moins connu mettant en vedette Anthony Hopkins. Ce thriller psychologique m’a profondément marqué par son intrigue captivante et ses performances impressionnantes. En ce qui concerne les séries, je dois avouer que je me laisse facilement emporter. Une fois que je commence, il m’est difficile de m’arrêter, ce qui peut me conduire à passer des nuits entières devant l’écran. Pour éviter de laisser les séries empiéter sur mon emploi du temps, je m’impose de les réserver exclusivement aux périodes de vacances. Cela me permet de me détendre pleinement sans compromettre mon rythme de travail durant la saison.» 

Quel est votre plus beau voyage ? 

«  L’un des voyages les plus mémorables que j’ai réalisés a été celui que j’ai fait avec ma copine, qui est aujourd’hui ma femme. Nous avions initialement prévu de partir tôt le matin, mais l’excitation était telle que nous n’avons pas pu fermer l’œil de la nuit. Nous avons donc décidé de prendre la route à minuit. Ce voyage nous a conduits du Portugal à travers l’Espagne, puis la France, avec une halte à la frontière italienne. Nous avons exploré des villes fascinantes comme Venise et Vérone avant de continuer notre route vers l’Autriche. Ce fut une aventure empreinte de spontanéité et de découvertes. Nous avons pris notre temps pour apprécier chaque étape, sans stress ni planification excessive, savourant chaque paysage et chaque moment. Ce voyage était une véritable ode au carpe diem, un état d’esprit que je chérissais dans ma jeunesse. Aujourd’hui, je suis plus enclin à planifier mes déplacements, mais cette escapade reste l’un des plus beaux souvenirs que j’ai pu créer, marquant notre voyage vers le pays de ma femme avec une touche d’aventure et de liberté. »